Un croissant manque d’emprise sur nos vies

La croissance d’un sentiment de manque d’emprise sur sa vie
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De toutes les tendances que nous observons cette année, il s’agit certainement du phénomène le plus marquant. L’impression que des forces qui nous dépassent jouent contre nous au profit desquelles on éprouve une sensation de perte de contrôle sur sa vie est en croissance. 

 

Nous avons traité de cette tendance à plusieurs reprises dans le passé et elle ne cesse de s’imposer au pays en touchant plus d’une personne sur deux au Québec en 2022.

On peut comprendre que l’époque actuelle vienne exacerber cette tendance déjà en progression : inflation, taux d’intérêts à la hausse, pandémie, urgence climatique, crise du logement, guerre, etc.
 
Tous ces phénomènes tendent à attiser une perception d’incertitude chez les gens et à nourrir leur sentiment de manque d’emprise sur leur propre vie (la cueillette des données de notre étude sur les valeurs des Canadiens a eu lieu en 2022, du 25 février au 11 avril). 

Mais cette tendance était très nettement amorcée depuis plusieurs années.

En fait, pour certains, la société change trop vite. Les éléments qui constituent notre quotidien ne cessent de se bousculer dans un incessant tourbillon qui en laisse plusieurs pantois. Encore un thème que nous avons abordé dans le passé et à propos duquel les attitudes ne cessent d’évoluer.
 

Les deux graphiques suivants présentent les tendances de ces postures mentales au cours des dernières années.
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Apocalypse et cynisme

De façon générale ces perceptions du monde actuel conduisent bien des gens à développer une vision apocalyptique de notre destinée collective. L’impression que nous ne vivrons pas les prochaines années sans que nos vies soient totalement bouleversées ne cesse de s’imposer. 

Cette perspective alimente le cynisme chez les gens. Près de trois personnes sur cinq au Québec (57 %) n’arrivent plus à croire dans les élites de la société,
croyant plus ou moins que toutes tentent de les duper ! 

Ce cynisme se nourrit notamment de la perception selon laquelle nos élites ne font rien pour s’attaquer aux vrais enjeux sociaux, même qu’elles profitent de la situation ou encore qu’elles créent ces problèmes tout simplement !

Un cynisme qui, à son point extrême, nourrit les tendances complotistes et populistes qui émergent de plus en plus dans nos sphères socio-politiques.

Un vide de sens

Un autre « effet secondaire » de ce sentiment de perte de contrôle dans un monde aussi agité est la difficulté qu’ont certains à trouver un sens à leur vie, à concevoir des buts. 

Près d’une personne sur trois au Québec (31 %) nous dit être en accord avec le fait qu’elle n’a pas vraiment de buts dans sa vie. Une proportion qui s’élève à 47 % chez les jeunes âgées de 18 à 34 ans. 

Cette dernière donnée révèle une réalité tout à fait dramatique : devant une société qui peine à donner des repères aux gens : près d’un jeune sur deux a de la difficulté à trouver un sens à sa vie, à se fixer des objectifs. Assiste-t-on au naufrage d’une génération ?

Enfin, notons que cette tendance a été constamment à la hausse au cours des dernières années, suivant en cela de façon très corrélée, la progression du sentiment de perte de contrôle sur sa vie.
 

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Des opportunités pour les marques et les institutions, malgré tout

Il est clair qu’une partie importante de la population a besoin d’aide et qu’en cela on peut aisément entrevoir une vocation renouvelée pour les marques et certaines institutions. 

Particulièrement les marques qui pourraient élargir leur mission en proposant des expériences qui répondent au besoin de sens de leurs utilisateurs.

 

L’emprise

De toute évidence, les marques ne peuvent pas faire disparaître complètement le sentiment généralisé de manque d’emprise que les consommateurs ressentent. Mais elles peuvent certainement redonner à leurs utilisateurs une part de contrôle dans l’expérience qu’ils ont avec elles. 

Qu’on pense à des applications qui permettent en tout temps de personnaliser et de modifier l’expérience de l’utilisateur d’un produit ou d’un service : Fizz, Hardbacon, Fitbit sont de bons exemples.

La possibilité d’offrir des conseils est devenue extrêmement importante. Elle rend l’utilisateur plus autonome et plus confiant. À titre d’exemple, le rôle-conseil des conseillers financiers répond parfaitement à ce besoin de sentiment d’emprise chez leurs clients.(Voir notre capsule sur les conseillers financiers).
 

Donner de l’espoir, proposer des projets, des buts

Par conséquent, on peut très bien concevoir des initiatives de la part des marques grâce auxquelles les utilisateurs seraient à même de contribuer à des causes et des enjeux sociaux, communautaires ou écologiques. 

Ces projets pourraient proposer des buts aux gens, tout en leur donnant un sentiment d’emprise sur des réalités précises : une compagnie d’assurances en Australie, NRMA, a proposé à ses clients et au public de l’aider à sauver et à redonner des conditions de vie « durables » aux koalas durant l’intense épisode des feux de forêts de 2021.
 

Connecter les gens, les communautés

Ces initiatives, comme d’autres, pourraient amener les consommateurs à partager leurs expériences, leurs apprentissages tout en les connectant entre eux. 

Les marques pourraient devenir des agoras ou les utilisateurs en échangeant entre eux apprendraient à devenir plus autonomes, plus confiants et plus engagés.

En plus de contribuer à combler certains besoins plus larges que le simple usage de leurs produits et services, en prenant ces tangentes les marques verraient augmenter la loyauté à leur égard de manière importante.

Ces marques offriraient des réponses à la fois au besoin d’emprise et à la recherche de sens chez les consommateurs au pays.