Le déclin du voisin gonflable

Alors que beaucoup de consommateurs se prévalent toujours de marques et de produits pour s’afficher fièrement auprès des autres
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La quête d’un statut social enviable fut certainement l’un des moteurs les plus importants de développement de la société et de ses marchés au cours des soixante-dix dernières années.

Alors qu’autrefois les statuts sociaux les plus enviables étaient réservés aux élites, pendant la période de l’après-guerre et surtout durant les années cinquante et soixante, on assiste à l’émergence d’une classe moyenne qui revendique un style de vie dont elle peut être fière.

Les possessions deviennent des symboles. La maison, la voiture, la télévision en couleur, les objets en général, les produits et les marques s’affirment comme des marqueurs sociaux qui révèlent ce que nous représentons socialement.

Ces motivations sont toujours très présentes dans notre société, mais aujourd’hui elles sont loin de faire autant l’unanimité.

Qui plus est, elles sont globalement en déclin depuis plusieurs années.

 

Le besoin de reconnaissance sociale

Plus de deux personnes sur cinq (46 %) considèrent qu’il est très (11 %) ou assez (36 %) important de se sentir reconnu et admiré par les gens qui les entourent.

Donc, une majorité (54 %) de personnes n’est plus du tout ou fort peu motivée par ce besoin de distinction sociale. Contrairement à ce qui prévalait il y a à peine quelques années.

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Une forte tendance à la baisse

Le besoin de reconnaissance sociale a connu une descente vertigineuse au cours des dernières années, comme le confirme nettement le graphique suivant …

 

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Malheureusement, nous ne suivons cet indicateur que depuis 2014. (Nous en avions d’autres auparavant dont nous étions plus ou moins satisfaits).

Nous nous permettons quand même d’affirmer que cette tendance a pris racine bien avant 2014. Le besoin de concevoir nos rapports via le filtre de nos positions sociales avait commencé à décliner depuis les années 80 selon d’autres indicateurs que nous suivions déjà.

Un besoin d’authenticité a pris le dessus sur nos envies de nous réfugier derrière nos rôles sociaux. Les gens ont besoin d’être « vrais », d’avoir des relations avec des gens qu’ils sentent « vrais » et non avec des « personnages » conçus selon les attentes de la société, selon des rôles attendus.

Un changement de paradigme majeur est donc en train de s’opérer. On s’affranchit des contraintes sociales axées sur les rôles et le statut afin d’exprimer qui on est vraiment, en toute liberté. On assiste à un important mouvement d’expression personnelle qui rejoint maintenant plus d’une personne sur deux au Québec.

 

Une question d’âge

Il est intéressant de remarquer que les plus jeunes expriment encore très fortement ce besoin de reconnaissance sociale. Si 46 % des Québécois ressentent d’une quelconque façon ce besoin, ce nombre s’élève à 68 % chez les 18-34 ans !

Ils sont à l’âge où ils construisent leur identité sociale, la reconnaissance leur est essentielle.

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Fait à noter ici, il ne s’agit pas d’un phénomène générationnel. Ce besoin de reconnaissance sociale observé chez les jeunes d’aujourd’hui était tout à fait semblable chez les jeunes il y a une dizaine d’années, selon nos bases de données. Ce besoin est relié à l’âge et non à la génération actuelle des 18-34 ans.

Toutefois, comme on le voit, ce besoin s’étiole progressivement, particulièrement après 35 ans et ce depuis plusieurs années.

 

La fierté, les marques et la consommation

Malgré cela un Québécois sur cinq (26 %) consomme toujours des produits, marques et services afin de pouvoir afficher un statut social enviable auprès des autres. Pouvoir afficher une carte de crédit platine au restaurant lors d’un repas entre amis, posséder une voiture prestigieuse (électrique de surcroit à notre époque), avoir une maison et un intérieur « scandinaves », pouvoir dire qu’on se tient dans les endroits « cools et branchés » de la ville tout en s’affichant sur TikTok, sont tous des marqueurs sociaux qui servent à communiquer aux autres qui nous sommes dans la société et à affirmer notre statut enviable. 

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Les marques jouent un rôle primordial dans cette ostentation sociale. On veut s’afficher avec prestige ou à tout le moins avec « masstige » (le prestige de masse). Certains consommateurs sont prêts à payer pour un « premium » afin de s’afficher avec des marques qui les valorisent auprès des autres, alors que des marques moins chères pourraient très bien répondre à leurs besoins « pratiques », utilitaires.

C’est dire que pour ces consommateurs le besoin symbolique de communiquer un statut enviable vaut le « premium » qu’ils vont devoir payer afin de s’afficher avec ces marques qu’ils considèrent prestigieuses.

De plus, malgré le déclin du besoin de reconnaissance sociale dans l’ensemble de la société, ce segment de consommateurs avides d’ostentation a eu tendance à progresser légèrement depuis la pandémie, période où il avait un peu régressé...

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Encore une question d’âge

Notons que les jeunes se distinguent encore sur cet indicateur. Ils ont besoin d’expériences de statut via les marques et les produits qu’ils consomment, afin de bâtir leur identité sociale, tout comme ils ont besoin de reconnaissance de la part d’autrui.

Les marques, les produits innovants, les expériences uniques sont pour eux des marqueurs, des outils pour construire ce qu’ils veulent devenir dans la société, pour afficher leur fierté.

 

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La tendance d’ensemble

En conséquence, dès qu’on intègre dans un modèle d’ensemble tous les indicateurs de nos bases de données qui servent à mesurer l’importance que les gens accordent aux expériences de statut dans leur vie -que ce soit comme citoyens ou comme consommateurs- on obtient l’indicateur suivant, lequel représente fort bien la tendance …

 

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On peut en conclure que l’authenticité l’emporte clairement, et de plus en plus, sur le standing.

 

Le Fier

En revanche, cette tendance d’ensemble camoufle la posture de consommation ostentatoire que nous présentions précédemment.

À ce titre, nous pouvons faire un lien avec un autre article que nous avons déjà publié qui démontrait la croissance phénoménale au cours des douze dernières années d’un consommateur fortement conservateur et fondamentalement animé par des besoins de reconnaissance sociale. Un groupe d’individus que nous avons nommé Le Fier dans un exercice de classification des Québécois (segmentation).

Ce segment, nourrit en grande partie ce groupe d’individus qui ont toujours besoin des marques et de produits pour afficher des expériences « enviables » et pour exister socialement. Ce que démontre très bien le tableau suivant …

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L’opportunité : l’authenticité ou le standing ?

Il est tentant, suivant les tendances d’ensemble, de conclure que LA posture à adopter en communication ou en marketing est l’authenticité. Ce qui est certainement le cas pour toucher avec pertinence les cordes sensibles de la majorité des Québécois. Nous pouvons présenter des dirigeants d’entreprises ou d’institutions en « bras de chemise » s’adressant avec sincérité à leur auditoire, admettant leurs erreurs tout en démontrant leur passion « authentique » pour leur vision et leurs desseins d’en assurer des retombées pour la société et les communautés. En communication marketing, nous pouvons entrer en toute simplicité dans l’intimité et l’art de vivre des consommateurs, illustrer leurs rituels et leurs sous-cultures uniques et « authentiques » encore une fois. Ce sont des recettes qui vont plaire à de larges pans de la société et de ses marchés.

 

Mais qu’en est-il de vos audiences et de vos cibles ?

Néanmoins, il faut noter qu’un nombre extrêmement important de marques carburent encore aux expériences de statut. Les consommateurs les achètent afin de pouvoir s’afficher, « porter » ces marques devant autrui.

L’identité sociale de ces individus se bâtit à partir des signes et symboles que les marques qu’ils portent révèlent socialement.

L’enjeu pour les marques est donc de bien connaitre à qui elles s’adressent, autant pour leur clientèle actuelle que pour celles qu’elles visent à conquérir.

Lorsqu’elles rejoignent ce « Fier » ou quiconque exprimant des besoins de reconnaissance sociale, elles doivent jouer la carte des expériences de statut à fond de train, quitte à y intégrer des éléments d’authenticité.

Cependant, en s’adressant à des audiences qui ne sont pas motivées par ce besoin de reconnaissance, il faut éviter tous les symboles ostentatoires afin de ne pas heurter leur sensibilité.

La clé est de bien connaitre les motivations et les cordes sensibles des audiences auxquelles on s’adresse.