L’humeur des consommateurs et la protection de l’environnement

Une relation inversement proportionnelle !
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Toutes les organisations spécialisées dans le domaine s’entendent sur le fait que l’année 2023, ne serait-ce que par son été, aura été l’année la plus chaude de l’histoire depuis que nous mesurons la température avec des moyens modernes.

D’aucuns s’entendent pour affirmer que l’activité humaine est responsable de ce réchauffement climatique. Les quelques individus qui demeurent climatosceptiques après une telle année sont certainement les pires des irréductibles.

Les conséquences des événements météorologiques extrêmes sont de plus en plus dévastatrices et fréquentes : pluies diluviennes, inondations, tornades, sécheresses, feux de forêts, etc. La nature se déchaîne inlassablement sous nos regards aussi désespérés qu’impuissants.

L’inquiétude que ces déchaînements apocalyptiques inspirent impose certainement des questionnements pressants. Que peut-on faire ? Qui peut agir réellement ?

Comment transcender les contraintes politiques dans lesquelles s’enlisent toutes tentatives d’actions concrètes et immédiates que ce soit lors des COP, des assemblées des Nations Unies ou d’autres initiatives d’organisations qui militent en ce sens ?

 

Le rôle du citoyen, du consommateur

Lorsqu’il s’agit d’espérer que certains acteurs dans la société s’impliquent pour agir sur les changements climatiques, les entreprises et les gouvernements nous viennent spontanément à l’esprit. Ils ont les ressources et l’influence nécessaires pour agir, quand la volonté est au rendez-vous.

Mais, nous nous sommes aussi intéressés aux citoyens, aux consommateurs. Car si tous adoptaient des styles de vie ayant de plus faibles empreintes carbone, une contribution significative viendrait s’ajouter à celles des institutions.

À ce sujet, nous sondons depuis plusieurs années le niveau d’accord des Québécois avec l’affirmation voulant que …

« Dans la vie de tous les jours, je fais concrètement plusieurs petites actions pour diminuer mon impact sur l’environnement ».

En 2023 trois Québécois sur dix (29 %) se disent « tout à fait en accord » avec une telle affirmation. Nous ne considérons ici que les gens « tout à fait en accord », car lorsqu’il est question de comportements qui mènent à une certaine acceptabilité sociale, des réponses du genre « plutôt en accord » sont peu convaincantes.

Une telle proportion dans la population est certainement significative, même si on est loin de la majorité.

De plus, ce qui apparait vraiment étonnant, c’est la variabilité d’une année à l’autre de cet indicateur, comme l’indique le graphique suivant :

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Ce graphique semble clairement indiquer que lorsque l’humeur des consommateurs est au beau fixe, ces derniers sont davantage enclins à intégrer des pratiques plus « écologiques » dans leur vie de tous les jours, alors que lorsqu’ils sont plus prudents ou inquiets, ils ont tendance à les délaisser.

La récession de 2008-2009 a eu beau, techniquement, se terminer en 2009, elle a hanté les esprits des consommateurs pendant plusieurs années par la suite, les incitant à une plus grande prudence financière.

À l’époque nos études nous démontraient que les consommateurs avaient l’impression qu’ils n’avaient pas assisté à une récession « normale » ou « habituelle » et que le monde avait changé, était devenu plus complexe, incertain. Ils avaient l’impression que leur emprise sur leur vie leur échappait au profit de forces obscures sur lesquelles ils n’avaient aucun contrôle.

Depuis, ces sentiments n’ont cessé de croitre.

L’humeur des consommateurs était loin d’être au beau fixe. La prudence financière était à l’honneur. Or, dans un tel contexte, la protection de l’environnement fut dégradée dans l’ordre des priorités des gens. Les finances et l’intégrité du style de vie des consommateurs prenaient toute la place. L’environnement, dans un tel contexte quittait leur champ de vision.

Puis, après quelques années de prudence et l’avènement d’une période d’enthousiasme pour la consommation et de meilleures humeurs chez les consommateurs, les comportements plus « écologiques » sont redevenus prioritaires.

Cependant, à partir de 2020, la pandémie, l’inflation, les taux d’intérêt élevés, de nouveaux contextes plus menaçants ont tiré de nouveau les comportements écologiques vers le bas.

 

L’enthousiasme pour la consommation et l’innovation

Une façon de vérifier cette hypothèse qui semble s’imposer à nous entre l’humeur des consommateurs et leurs comportements écologiques consiste à comparer la synchronicité dans le temps de la courbe présentée sur le graphique précédent avec celle du suivant sur l’attitude des consommateurs à l’égard de l’innovation et de la consommation …

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Nous mesurons ici des mouvements très semblables entre l’enthousiasme pour l’innovation et la consommation et le fait d’essayer d’adopter des styles de vie le plus écologique possible. Les écarts ne sont pas énormes, mais les tendances épousent les même directions.

C’est un peu comme si, lorsque les consommateurs sont plus centrés sur leur situation financière ou sur les menaces qui pèsent sur eux, la protection de l’environnement à tendance à sortir de leur champ de vision. C’est comme s’ils avaient assez de gérer leur stress financier et qu’ils ne voulaient pas ajouter davantage de complexité à leur vie.

 

La responsabilité des citoyens et consommateurs

En revanche, dans une autre étude sur le même sujet menée en mai 2023 (n = 1000), un Québécois sur deux considérait avoir un rôle très important à jouer dans la lutte aux changements climatiques (49 % se situaient entre 9 et 10 sur une échelle de 10 points d’importance).

Parmi les acteurs pouvant jouer un rôle important, ils classaient nettement les entreprises et les gouvernements en premier, en ordre d’importance, mais ils considéraient avoir un grand rôle à jouer eux aussi.

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Il est intéressant de mettre en relation ce dernier 49 % de Québécois qui s’imputent une responsabilité personnelle face aux changements climatiques et le 29 % qui disent poser des gestes dans leur vie quotidienne !

Il nous apparait clair que dans ces vingt points de différence, il y a beaucoup de gens qui voudraient contribuer, mais qui ne savent pas comment s’y prendre ou pour lesquels les solutions sont inaccessibles. Comme par exemple, prendre les transports en commun quand vous demeurez en banlieue et avez deux enfants à aller reconduire à la garderie avant de vous rendre au travail. Vous polluez et contribuer à la congestion routière certes, mais comment faire autrement ?

 

Des gestes concrets pour l’environnement

En fait, lorsqu’on demande concrètement aux gens ce qu’ils font pour réduire leur impact environnemental, le recyclage et le compostage viennent en premier pour près de trois Québécois sur cinq (57 %) qui disent pratiquer ces activités.

Pour toute autre activité, les proportions de Québécois baissent significativement.

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Ce qui est frappant dans ces données ce sont les proportions importantes de Québécois qui disent pouvoir poser ces gestes ("Oui, je suis prêt(e) à le faire"), mais qui ne sont pas encore passés à l'acte.

Nous n’avons pas poussé l’investigation sur le fondement de cette inaction, mais il est clair qu’un chantier s’impose pour amener les gens à agir.

 

« L’humanité a ouvert les portes de l’enfer »

C’est en ces termes qu’Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unis a lancé le sommet sur la lutte contre les changements climatiques le 20 septembre à New York.

L’heure est certainement à l’action. Il lance un appel à tous, principalement aux gouvernements, mais le message s’adresse aussi aux entreprises, marques, institutions, citoyens / consommateurs. Tous sont conviés afin de relever cet ultime défi qui se pose à l’humanité.

Les grandes organisations ont l’expertise et les ressources pour agir.

Mais comme le montre les données présentées dans cet article, les citoyens / consommateurs vivent dans un certain flou quant aux gestes concrets qu’ils peuvent poser pour aider la cause.

Comme nous l’avons régulièrement suggéré dans plusieurs articles précédents, il y a certainement une opportunité pour des marques, entreprises et institutions de sensibiliser le public à des gestes concrets à poser pour diminuer son empreinte carbone, le convier à des initiatives qui le mobiliseraient vers l’action.

En définitive, il s’agit de proposer des actions, des projets, de convier les gens tout en soutenant des initiatives avec les ressources nécessaires.

Tous y gagneront !