La confiance des consommateurs s’effrite et le pire est peut-être à venir !
Nous avions, en 2009 durant la récession de 2008-2009, sondé l’humeur des consommateurs dans le contexte socio-économique difficile auquel ils devaient s’adapter. Depuis, nous avons suivi à deux reprises quelques indicateurs utilisés à l’époque et ceux-ci nous apparaissent particulièrement pertinents cette année dans un contexte d’inflation et de taux d’intérêt élevés.
Cet exercice nous démontre que l’inquiétude des consommateurs n’a cessé de s’accentuer depuis 2009 et que le contexte actuel ne fait qu’amplifier cette tendance déjà bien amorcée.
Enfin, pour le moment.
On assite à un déclin progressif de la confiance des consommateurs quant à leur situation personnelle, déclin qui perdure depuis près d’une quinzaine d’années et pour lequel le contexte actuel accentue modérément la tendance.
La confiance des consommateurs quant à leur situation personnelle
Depuis 2009, et malgré la reprise économique après 2010-2011, la confiance des consommateurs a continué de se dégrader. Si durant la récession en 2009, 61 % des Québécois considéraient que leur situation financière était solide, cette proportion est passée à 57 % en 2015 et à 56% cette année.
Alors qu’on aurait pu croire que cette perception aurait pu s’améliorer au milieu des années 2010 et se détériorer cette année, on assiste plutôt à un essoufflement progressif de la confiance des consommateurs dans leur propre situation financière au cours des ans.
On peut certainement mettre cette tendance en relation avec la croissance continue de l’endettement des ménages. Les statistiques officielles démontrent années après années que le pays a un des taux d’endettement des ménages parmi les plus élevés au monde !
Conséquemment, le nombre de Québécois qui considèrent que leur situation financière est précaire ou fragile est passé de 39 % à 43 % de 2009 à 2015 et à 44 % en 2023. On s’approche d’un Québec divisé en deux parts égales quant à l’évaluation de sa situation financière !
On peut expliquer la faible évolution de notre indicateur de confiance cette année par le fait que la hausse des taux d’intérêt n’a pas encore eu tout l’impact escompté. En effet, beaucoup de ménages n’ont pas encore renouvelé leur hypothèque à des taux d’intérêt significativement plus élevés que lors de leur engagement initial.
Notons que les hommes, les gens âgés de 55 ans et plus et ceux dont les revenus-ménages sont supérieurs à 80 000$ par année sont passablement plus confiants que les femmes et les plus jeunes ayant des revenus plus faibles.
L’avenir se dégrade !
Parallèlement, en 2009 il y avait 43 % des Québécois qui considéraient que leur situation était pour s’améliorer dans les années à venir. Cette proportion a chuté à 29 % en 2015 et à 26 % en 2023, une chute de 17 points depuis 2009.
Une légère majorité (52 %) croit quand même que sa situation restera stable alors que le pourcentage qui croit que sa situation va se détériorer est passé de 8 % en 2009 à 22 % en 2013, soit une hausse de 14 points sur une quinzaine d’années. Une progression d’environ un point par année !
Pour expliquer l’évolution de cette tendance, on peut certainement invoquer la baisse de confiance des consommateurs et l’augmentation de leur niveau d’endettement. Ces deux facteurs concourent à la situation observée.
Mais il y a plus. On aborde ici la confiance dans le monde dans lequel nous vivons. La complexité de la vie, l’incertitude du monde actuel, la baisse du sentiment d’emprise sur sa vie, sujets dont nous avons traité régulièrement dans nos études, s’additionnent pour faire diminuer le sentiment de confiance dans la capacité personnelle d’améliorer son sort.
Notons que les plus jeunes, les moins de 35 ans, ont davantage confiance en leur capacité d’améliorer leur sort dans les prochaines années que les plus âgés (55 ans+). Ce qui est un peu normal puisqu’à partir d’un certain âge les conditions de vie se stabilisent, évoluent moins.
Sans surprise, plus les revenus sont élevés plus grande est la confiance en l’avenir.
Un bon moment pour acheter ?
Même si, de façon moins marquée, cette attitude suit la même tendance d’ensemble, le pourcentage de consommateurs qui considèrent que c’est actuellement un bon moment pour acheter ce qu’ils désirent ou ce dont ils ont besoin, est à son plus bas depuis la récession de 2009. Ce pourcentage est à 8 %, en baisse de 6 points, alors qu’on comptait 14 % de ces consommateurs en 2009.
Ce sont les consommateurs qui considèrent que c’est un mauvais moment pour acheter (35 %) et ceux pour qui ce n’est ni un bon ou un mauvais moment (57 %) qui bénéficient du transfert, mais dans des proportions relativement faibles (respectivement 3 et 4 points depuis 2009 pour ces deux groupes de consommateurs).
Malgré ces résultats qui nous indiquent que les consommateurs sont nombreux à être incités à la prudence, nos études sur l’enthousiasme marqué des Québécois pour la consommation tendent à démontrer qu’à très court terme la baisse de la demande en biens et services devrait être modérée.
De grandes familles Québécoises face à leur optimisme comme consommateurs
Si on fait la synthèse de tous nos résultats sur l’évolution de l’attitude des consommateurs depuis la dernière récession, on obtient la classification suivante :
Cette classification illustre le cumul de toutes les combinaisons d’attitudes à partir des différents indicateurs utilisés dans ce document.
L’Optimiste (42 %)
L’Optimiste a confiance en l’avenir. Il considère que sa situation financière est solide, croit que sa situation ira en s’améliorant et est tout à fait d’avis que c’est le bon moment d’acheter ce qu’il désire ou ce dont il a besoin. Globalement, une pluralité demeure optimiste.
On y retrouve davantage d’hommes et de consommateurs de niveaux socio-économiques élevés.
L’Optimiste exprime un fort sentiment d’emprise sur sa vie et sur sa capacité de concrétiser ses ambitions. Il aspire au succès et exprime un grand besoin de fierté, d’être reconnu par ses pairs et dans la société.
Le Neutre (26 %)
Il est au « neutre » quant aux différentes attitudes que nous avons mesurées, à l’exception qu’il a un peu plus tendance à définir sa situation financière comme « plutôt » fragile.
Il est le plus souvent âgé entre 25 et 44 ans avec famille et enfants. Il s’esquinte afin de joindre les deux bouts !
Le Neutre expérimente un haut niveau de stress. Il se sent déconnecté de la société, se sent exclu et comme bien des gens qui expriment ce type de sentiments, il est socialement très conservateur (rapports hommes/femmes, vison de la famille, etc.).
Le Pessimiste (31 %)
Le Pessimiste a tendance à se classer de façon pessimiste dans toutes les attitudes que nous avons mesurées. Il considère que sa situation financière est précaire, ne croit pas que sa situation ira en s’améliorant. Il est d’avis que c’est le mauvais moment pour acheter ce dont il a besoin.
On y retrouve davantage de femmes, des individus âgés de 45 à 54 ans et des consommateurs ayant tendance à être parmi des niveaux socio-économiques plus faibles que la moyenne québécoise.
Le Pessimiste représente la quintessence de la modernité. Du point de vue de ses valeurs personnelles, il croit profondément à l’égalité des sexes et est tout à fait enthousiaste à toutes formes de diversité (sociale, ethnique, sexuelle, etc.). En revanche, socialement et au point de vue écologique il est très pessimiste. Sa vision de l’avenir est « apocalyptique ».
Le Pessimiste semble intégrer dans une même vision son avenir personnel, celui de la société et celui de la planète.
Les tendances quant à l’évolution de cette classification depuis 2009
À la suite de l’analyse des différents résultats présentés dans ce document, on ne sera pas étonné de constater l’évolution suivante :
L’optimisme des consommateurs est certainement en déclin, mais encore une fois de façon progressive, depuis la dernière récession. En contrepartie, le pessimisme rejoint maintenant près d’un consommateur sur trois au Québec (31 %).
Et les mois/années qui viennent …
Si on se fie aux banquiers, les prochains mois/années risquent d’être critiques. Beaucoup de ménages auront à renouveler des hypothèques à des taux d’intérêt beaucoup plus élevés que ceux qu’ils paient actuellement. Ceci conjugué au haut niveau d’endettement qu’ont à supporter les consommateurs, la situation risque de devenir fort inquiétante pour plusieurs et peut-être catastrophique pour certains.
Le taux de faillite personnelle risque de faire un bond significatif dans un proche avenir.
D’ailleurs, comme le montre le graphique suivant, près de deux consommateurs sur cinq (37 %) prévoient déjà réduire leurs dépenses dans les mois qui viennent.
Il y a une limite à tenter de prédire l’avenir, mais force est de constater que le contexte socio-économique actuel et la situation des consommateurs québécois n’augurent rien de très réjouissant pour les mois/années qui viennent.
On sent à travers ces données qu’un contexte « pré-récession » et des postures mentales analogues se dessinent pour plusieurs.